Un peintre vraiment de notre temps, Galerie Primaver

Sim, Jo Rome. Un peintre vraiment de notre temps, Le Jour, 1978

Tout passe vite. Et notre propre disque éraillé se répète.

Pourtant, à la galerie Primaver en Spitay, nous avons été émerveillés. Enfin un peintre nous apportait quelque chose de nouveau. Vraiment quelque chose de nouveau, si extraordinaire que cela puisse paraître. Pas quelque chose à la mode, quelque chose de neuf.

Selon nous, l’expression sensible d’une personne, l’art de demain. Bien que la galerie ait été pleine de jeunesse : Verviétois et Liégeois, et que l’architecte Fetweiss de Verviers dont on connaît l’audace et ami du musée ait été présent, on en a pas moins été navré de l’absence de personnalités officielles ou officieuses, encore que, selon nous, la présence de nombreux jeunes, prouve que la Galerie Primaver tient le bon bout.

Si des jeunes s’y intéressent et la fréquentent, c’est gagné. C’est avec un vif plaisir que nous avons rencontré Jacques Parisse à la galerie Primaver. Jacques Parisse est certainement un des meilleurs critiques de notre Wallonie et même de Belgique. Il sait voir, or tout est là.

Pourtant, selon nous, il n’est pas contestable que les collages de Jo Rome sont de loin supérieurs à ses peintures qui imitent cette démarche aujourd’hui.

En art, il ne faut rien imiter.

Ce que dit Jacques Parisse mérite notre audience :

« La matière première de l’exposition est avant tout dans les souvenirs appuyés sur quelques dessins anciens, sous des photographies roussies, racornies, virées au brun (suite à un incendie qui a complètement détruit la maison du peintre et dont il refuse de parler [NDLR].

Un fragment entraîne dans la mémoire ces sursauts, des bonds en avant, des retours auxquels Proust, souverainement nous a introduits.

Découpées, morcelées, utilisées en collages, réunies par le dessin, soutenues par des rehauts de couleurs et par le support d’aluminium qui fait miroir et ajoute un visage d’aujourd’hui ; les reliques de Jo Rome, un poids, une présence sentimentale qu’elles n’avaient pas jadis.

Elles sont comme purifiées par le feu, rendues symboliques par leur disposition. Ces collages-dessins sont devenus non seulement des œuvres, mais des itinéraires mentaux, des notes pour une introspections de l’auteur qui a, ainsi, poussé par l’événement, été appelé à se dévoiler.

Toute l’œuvre de Jo Rome … témoigne de sa générosité, de sa perméabilité à la souffrance de l’homme. Souvenons-nous du mur aveugle de la maison et de l’enfant sur sa balançoire, de l’enfant serrant son chat dans ses bras perdus tous deux dans l’immensité dangereuse de l’autoroute, de la classe, des petits, de la chambre d’hôtel…La page est tournée. L’œuvre continue. » On sent de la part de Jacques Parisse une immense sympathie pour ce peintre qui est professeur à l’Académie des Beaux-Arts de Liège en peinture monumentale.

Nous avouons que nous partageons entièrement son avis, il a su regarder en profondeur et c’est là l’essentiel.

Les gens qui sont indécis quant à l’usage de leur argent – ils deviennent rares – ont intérêt à se rendre à la galerie Primaver. Ils ne découvrirons pas le Pérou mais certainement un filon d’or.

Jo Rome est un peintre séduisant qui nous fait encore croire à la peinture en notre inquiétant 20 e siècle. Ce n’est pas son moindre mérite.

– – –

P. S., Jo Rome expose à Primaver, Le Courrier, Verviers, 1978.

Jo Rome n’est pas un « nouveau » dans le monde artistique. Détenteur de nombreux prix : « Prix Watteau », « Grand prix de la ville de Liège » en 62, participant à de nombreuses expositions collectives, ses œuvres sont bien connues et nombreuses sont celles qui, désormais, font partie de la collection de l’Etat belge et de collections particulières réputées.

Rome aurait pu être un photographe, un de ces artistes des années 1900, alors que les photos ne donnaient pas ce contraste noir et blanc que nous leur connaissons actuellement. Elles étaient plutôt de teint bistre. La technique de Rome n’a rien de nouveau non plus ; il découpe, recoupe, déchire, colle, articule, dessine, recolle, colorie … pour donner à ses compositions un relief, un sentiment, une expression toute particulière. Expression empreinte de nostalgie à la fois de sentiments et de symbolisme.

Rome, de par son œuvre, est attentif à l’homme qui joue d’ailleurs un rôle important dans sa composition. Jo Rome, une technique originale, une expression surprenante, un talent exemplaire.

Share
Share