Jalons des arts, actualités des arts, Galerie Valère Gustin, Jacques Parisse, 1980

Jo Rome, Galerie Valère Gustin, Liège, du 27 mai au 16 juin

Tout a fini et a commencé dans un gigantesque incendie. L’intrusion tragique d’un événement dans la biographie de Jo Rome a déterminé un moment essentiel de son œuvre. Et c’est ce moment dont il a voulu garder les pauvres traces calcinées que Jo Rome pieusement nous invite à revivre avec lui dans l’exposition de dessins/collages qu’il présente à la galerie Valère Gustin, rue Bonne-Fortune à Liège.
Dans l’explication d’une œuvre — qu’elle soit plastique, écrite ou musicale — le recours à la biographie est une entreprise hasardeuse car nous voulons y trouver les images de ce que nous savons de la vie. Dans cette exposition de Jo Rome il est impossible de séparer l’accident de l’œuvre plus que jamais ici circonstancielle. Ainsi donc une nuit d’hiver la maison de Jo Rome flamba. On raconte que Courteline (?) rentrant du théâtre et découvrant sa maison embrasée aurait dit : « Apportez-moi un siège, ce spectacle me coûte assez cher ». On ne prête qu’aux riches. Pour Rome ce fut tragique : la maison de son enfance, son vieux chien. ses peintures (dont cinq nouvelles), ses dessins, ses livres, ses sculptures en polyester. Tout, tout brûla. Sur les ruines il retrouva quelques très vieux jouets à demi-calcinés, des photographies roussies, racornies.

Voilà la matière première et sentimentale de cette exposition-psychanalyse puisque l’événement a obligé l’artiste à replonger dans son passé, à le repenser, à s’en séparer peut-être comme si le feu inaugurait pour lui une nouvelle vie, un nouveau départ.
Ce sont donc les anciennes vraies photographies, morcelées, utilisées en collages, reliées par le dessin, dans un certain ordre disposées, un ordre mental : « Je me laisse aller, je crois qu’il s’agit du hasard et ce n’est pas le hasard. Il y a en moi tant de souvenirs qui remontent, tout s’organise presqu’en dehors de moi. L’aspect plastique vient après ». Dans ses 25 dessins produits par technique mixte (photos, dessins, gouaches, matière) Rome use de la couleur (et tire effet des brûlures), déchire, sépare (la ruine est fissure, séparation), colle sur un support brillant d’aluminium qui fait miroir. Quand il regarde l’œuvre, il ajoute son image.
Plus ici encore que dans ses peintures — et par la force des choses — je retrouve la tendresse, l’émotion, l’humanité, la perméabilité affective de Jo Rome. Cette œuvre-là nous atteint profondément parce qu’elle va au-delà de l’œuvre : ce sont des états d’âme.
Un autre n’aurait produit peut-être qu’un « état des lieux »

Jacques Parisse

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