Galerie Primaver, Verviers, 1978

Jo Rome à la galerie Primaver de Verviers, La Wallonie, mai 1978

Il y a moins de deux ans, Jo Rome montra à la galerie Valère Gustin une exposition de dessins-collages qui fut un beau moment de la saison 1976-77. L’occasion en avait été l’incendie qui ravagea sa maison. Les épaves retrouvées sous les décombres furent pour l’artiste la douloureuse occasion de se pencher sur ses années passées, de rêver à partir d’un dessin, d’une photographie roussie. L’homme se dévoilait et dans cette exposition-exorcisme tentait de liquider le drame et de tourner la page. De cette remarquable et émouvante exposition qu’il nous a bien fallu, à l’époque, expliquer par des allusions biographiques, nous verrons des œuvres à la galerie Primaver. Mais aussi une série de toiles récentes. Comme nous l’espérions Jo Rome est entré dans son « nouvel âge » tout en ne perdant rien de son ouverture aux autres, en ne négligeant pas l’appel que toute son œuvre manifeste pour la solitude, la paix, pour la dénonciation sans rancœur de la difficulté à être heureux.

Dans la « Carrière de sable jaune » (prétexte à une riche matière, à un beau morceau de peinture abstraite), le recueillement d’un enfant est troublé par l’arrivée soudaine de l’avion supersonique. Dans « Le rêve d’Orloff », sur le dallage est couché le chien mort d’un ami. Dans une autre toile – terrain vague ou plage – l’enfant est bien fragile face au tas de sable qui a gardé la forme du moule. Ailleurs, c’est le grouillement de la plage, l’impossible solitude. Deux toiles amorcent peut-être une manière nouvelle : quoi de plus simple, de moins « apprêté » qu’un lit avec deux coussins gonflés, couvert d’une dentelle peinte avec patience et amour, quoi de plus suggestif que cet « intérieur » où le mur garde encore la trace du tableau décroché ; que cette simple chaise blanche sur laquelle est posé un aérien bouquet de fleurs rouges : la couleur (du blanc crème au brun léger) détermine une atmosphère de sérénité mais aussi de douce mélancolie : le lit au repos, couvert, le tableau décroché annoncent un départ imminent, la fin d’une halte. Certaines toiles sont composées à la manière d’un collage : Jo Rome juxtapose des éléments apparemment disparates : un vélo contre une haute porte fermée voisine avec un « hommage » au jardin coloré de Giverny de Claude Monet, avec des vaches : la liaison de ces éléments est en Jo Rome. Dans cette peinture, tout est moins simple qu’il y paraît à un œil pressé, la lecture est à plusieurs degrés. Ainsi naît la poésie de cette très remarquable exposition.

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