Art brut et en abyme

Des années 70 aux années 80

C’est au cours des années septante que Jo Rome vient véritablement à la peinture de chevalet. Il n’a alors de cesse de sonder son propre rapport quelque peu conflictuel avec la représentation d’un certain réel mémoriel et les médiums à l’huile sur toile. L’artiste quitte l’exploration de matériaux non dédiés aux beaux-arts pour se poser la question du sens, de ce qu’il a à dire, de ce qu’il a sur le cœur. Ainsi commence un processus très intéressant et très progressif depuis un art brut dans les années septante puis une période de narration visuelle par moment littérale jusqu’à une alliance parfaite de l’idée et de la matière à partir des années nonante jusqu’au IIIe millénaire.

La période Art brut de Jo Rome est une belle transition après les peintures-sculptures de polyester et les bas-reliefs. Elle en est même la suite logique. Les êtres non identifiables et volumineux de la période précédente cèdent la place à des personnages. Les traits du visage sont visibles, mais les corps sont disloqués à la manière, justement, des dessins d’enfants. L’ensemble s’expose comme une peinture dessinée dont la gestuelle est déjà puissante et où le thème des jeunes années de corps et d’esprit trouve un espace d’expression qu’il ne quittera plus.

Devenu père, Jo Rome est agréablement surpris par les dessins de ses enfants. Son étonnement et son observation admirative sont à l’origine d’une série de toiles sur le thème de la mise en abyme. L’artiste représente l’enfant en train de dessiner d’imagination.

C’est l’occasion d’un jeu de cadrages dans lesquels le dessin de l’enfant envahit presque entièrement la composition du peintre. L’artiste s’amuse aussi à peindre le peintre peignant l’enfant, lui-même peignant ou dessinant le peintre…

Le fils de Jo dessine: deux styles de représentation cohabitent dans cette mise en abyme, celui de l’enfant et celui du peintre.

< Jusqu’à cette toile significative représentant l’enfant ayant peint et se trouvant bien désœuvré. L’enfant semble y goûter cet instant doux-amer de l’entre deux toiles, ce moment où la satisfaction du travail achevé le dispute à l’angoisse du prochain jeu-défi. L’âge avançant, «pédophage» et autoaliénant, il affaiblit la spontanéité et apporte presque inévitablement l’influence du conformisme ambiant. La volonté farouche de l’artiste à lutter contre cette prophétie est sans doute ce qui le maintient toujours jeune.

Dans cette œuvre, l’on peut voir la technique du collage que Jo Rome exploitera parallèlement à ses recherches en peinture. Les découpes, les déchirures comme moyens de citation et d’autocitation: coller le dessin de l’enfant, se coller soi-même en train de peindre, coller un morceau de toile brute.

Dans cette toile, Les renards, l’artiste se joue des conventions de perspectives pour mieux nous perdre et nous émerveiller dans un entre-deux-univers, les dessins «plats» de l’enfant imités par le peintre ne sont plus contenus dans l’espace d’une feuille de papier.

L’artiste pratique parfois l’étrangeté en collant des portions de ses propres dessins. Fragments de passé remémoré, éclats de présent, rupture dans la continuité du proche et du lointain. Le dessin-collage ci-dessus, avec cette main représentée tenant un pinceau est une sorte de clin d’œil aux collages que nous avons vu plus haut sur cette page.

Des années 90 au IIIe millénaire

Sur les toiles ci-dessous, l’on peut voir comment l’artiste a parfois revisité le thème de l’enfant-peintre, mais selon cette nouvelle manière très épurée qu’il développera à partir des années nonante.

Ci-dessus, Jo Rome dans son atelier ou comment la photographie applatit le réel et le figuré en une seule image faisant écho au composition favorites du peintre: l’humain et la peinture.

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