Cinq artistes liégeois pour les Fouron

Jacques Parisse, Cinq artistes liégeois pour les Fourons

Les artistes sont décidément des gens à part…

En dépit de la situation de marginalité qui leur est faite, de la hargne que mettent à les poursuivre dans les manifestations publiques de leur art nos grands argentiers, ils gardent néanmoins le cœur pur et généreux. On ne fait jamais appel en vain à leur générosité, à leur amour de la liberté.

Cinq de nos meilleurs jeunes artistes liégeois viennent encore aujourd’hui d’en donner la preuve au bénéfice des associations de défense des Fourons. Les artistes se défendent néanmoins de donner à leurs œuvres et à leur geste une signification politique, de promouvoir par l’art la publicité de tel ou tel parti politique. S’ils ont un parti à prendre en ce monde, c’est celui de lutter avec leurs moyens (de communication) contre le fascisme, contre la violence qui se sont manifestés avec pertes et fracas le 9 mars dans les Fourons envahis par un commando flamingant botté et casqué, cagoulé. Au service de la liberté des personnes et des biens, dans cette circonstance particulière qui nous touche de si près. Rudy Pijpers, Hollandais d’origine (de Maastricht, une de nos « bonnes villes »), mais Liégeois de tout cœur, a mis dans le coup, ses amis et collègues de l’Académie des Beaux-Arts, Jo Rome, Frédérik Beunckens, Jacques Louis Nyst et Fernand Flausch. Chacun d’eux a offert une œuvre faite pour la circonstance. Ces œuvres originales – qui seront vendues « à l’américaine » au bénéfice exclusif des sinistres des Fourons ont été reproduites à 100 exemplaires par le procédé par le procédé sérigraphique. Les cinq œuvres indissociables, signées, numérotées, sont présentées sous un emboîtage de luxe qui porte en intitulé, outre les noms des artistes, la mention « Fourons 9 mars 80 ». La farde est vendue 15.000 frs, ce qui est peu, contre toutes apparences, étant donné la qualité des œuvres et leur tirage, la notoriété des artistes et le but de cette œuvre collective inédite d’un mécénat d’un genre trop rare.

Un thème unique « Fourons – mars 1980 » mais cinq démarches plastiques pour l’exprimer.

Dans l’œuvre de Rudy Pijpers, un homme se défend contre un épouvantail (dans épouvantail, il y a épouvante) casqué, armé.

Chez Jo Rome, des chars lourds, passent menaçant devant une maison jadis cœur d’un village heureux.

Très dans sa manière récente, Fernand Flausch zèbre, blesse un paysage des Fourons d’un éclair en tube de néon, mais l’arbre touché n’est pas mort : le chêne n’est pas abattu !

Renversant le vieil adage, Frédérick Beuckens déclare en exergue que « les pavés du ciel sont aussi lourds que leurs intentions « , un enfant (flamand ?) tord le cou à un coq (wallon ?). Au loin, sur un écran de télévision, comme un beau souvenir romantique de jadis, la scène de l’« Angélus » de Millet.

« Ecouter-Entendre » propose Jacques Louis Nyst. Que dit donc ce micro sur un socle devant un fond traversé d’un trait gestuel agressif ? La violence ou l’apaisement ?

Donc un seul thème, cinq interprétations. Que pouvons-nous demander de plus quand l’action humanitaire se double, se renforce d’une intention artistique ? Ces œuvres inspirées par une situation de fait vont plus loin : ces petits villages déchirés symbolisent les minorités opprimées qui ont du mal à faire entendre leurs voix.

Les artistes ont en charge la dimension spirituelle de notre société de profit. Ils ne pouvaient être insensibles à l’appel de ces amis envahis par les hordes barbares. Leur geste est un geste fraternel.

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