Galerie de la banque CGER, article de presse du journal La Wallonie, 1982
Galerie de la C.G.E.R.: Jo Rome
Jo Rome raconte avec art et cœur des choses simples ; il explore sa maison et son monde intérieur ; il découvre les joies en famille, un bonheur simple et domestique alors que tant de quadragénaire vivent mal leur deuxième âge. En faite, Jo Rome en avouant avoir mis 15 ans pour sortir de l’école c’est-à-dire des influences d’école et de ses rêves impossibles (il dit : « un temps, j’ai voulu être nouveau, je me suis rendu compte que je continuais ») s’affirme ainsi en une époque où la simplicité étonne.
À la galerie de la G.G.E.R., 25, quai van Beneden, il présente 18 toiles (dont 10 toutes récentes) et une série de 20 dessins, œuvres des derniers mois. Nous retrouvons Jo Rome tel qu’en lui-même, l’intimisme conserve. L’enfance, la maison, les souvenirs, l’investigation feutrée d’une réalité qui le concerne et qui, avec des variantes nous intéresse, se situe toujours loin du tapage et de l’exhibitionnisme. Pour trouver ces sujets, Jo Rome ne fait pas de voyages lointains, il n’aborde pas un «surréalisme» fabriqué, il ne fait pas dans le bonheur à jets continus !
La boutique c’est un petit magasin de campagne dans lequel un enfant s’émerveille de tant de trésors accumulés. L’innovation de cette grande toile est de réunir la peinture classique et le collage. Jo Rome qui a réalisé de nombreuses compositions murales pour des architectes, intègre à la toile des reliefs qui donnent du volume aux objets qui garnissent les rayons. C’est, d’une certaine façon, – sans que Rome revendique son appartenance à aucune école artistique – du « nouveau réalisme ». La balançoire 2 est une relecture d’une toile ancienne : un enfant déformé malheureux se balançait face à un grand mur aveugle de prison. Le mur est resté là mais l’enfant est devenu ressemblant.
Ce qui était dramatique à prix couleurs et les formes d’une joie néanmoins menacée, ce grand et long mur n’étant pas sans signification symbolique.
Pareil au souvenir qui estompe les contours trop nets des choses vécues, les dessins-collages sont dominés par une grisaille sans tristesse. Ce sont des flashs rapides, tendres sur le passé : Jo Rome se souvient-il étant enfant de la libération : des chars passent devant sa vieille maison des soldats défilent, puis passe une course cycliste ; la vie renaît : des enfants font la «cawie», il retrouve des jouets (le petit tram, le collectionneur d’œufs , les devoirs sur la table de la cuisine à côté de la cuisinière rectangulaire…). Toutes ces scènes de la vie quotidienne composent un album de souvenirs. Ainsi le temps perdu est retrouvé. Ce sont peut-être des confidences voilées qui reposent comme disent les sociologues, sur un vécu mais ces « petites histoires », en fait, constituent notre propre histoire : une enfance c’est un tissu distendu de notation qui ont laissé une trace. L’art de Jo Rome c’est d’avoir toujours su éviter, dans ce genre de sujet, le «leyimplorisme», les sentiments guimauve. Il dit juste assez pour évoquer et le dit avec tous les moyens de son métier. Le dessin, la belle matière colorée qui a la densité de la terre, les reliefs s’intégraient au dessin et qui lui confère plus de densité, décomposition sans trop de rigueur puisqu’elles doivent rendre compte de l’enchaînement illogique des souvenirs.
Une très belle, une forte, une tendre exposition pleine d’art et de chaleur humaine : les deux ne sont pas incompatibles.