Exposition de peinture à la Galerie Lierhmann, 1996

Jo Rome libéré

On croit bien connaître ses amis. On les rencontre souvent. On est en complicité et on aime leur art pour ce quelque chose de confidence voilée qui nous renvoie à nous-mêmes. Ainsi Jo Rome, mémorialiste d’une enfance comme tant d’autres, avec ses petits faits, ses souvenirs fondateurs du présent de l’adulte puis de l’homme. Le village, la fête annuelle, le gros paletot usé des temps durs de la guerre, l’épicerie familiale, les petites fugues dans la campagne proche, l’école et les jeux, les collections de bric et de broc. Intimiste et de nature peu expansive, Jo Rome s’exprimait, se confier dans sa peinture, dans ses dessins, dans ses collages : « carnets de bord » d’un homme pudique et nostalgique. La peinture était comme subordonnée à la vagabonde recherche de l’enfance.

Aujourd’hui, et depuis peu de temps, le rapport peinture/mémoire est inversé : la peinture/peinture prime même si les « sujets » n’ont pas radicalement changé. Cette mutation permet à Jo Rome, jadis inquiet, de dire aujourd’hui qu’il est « enfin satisfait ». La libération est évidente. Certes, il y a toujours le petit personnage emblématique, l’épicerie, des enfants, la campagne mais le pinceau décrit moins, il est plus allusif. La couleur lavée, comme le temps lave les souvenirs, exulte et pour cela une simple tache amplifiée, prolongée suffit. Ainsi, Jo Rome atteint à plus d’expression ; l’anecdote aussi charmante soit-elle n’est plus que le point de départ, « alibi ».

La nostalgie n’est plus ce qu’elle était : elle est devenue joyeuse dans la joie de peindre ; le poids du passé s’est allégé, la main et libérée et l’esprit, la couleur c’est dématérialisée. L’homme et le peintre semblent pleinement heureux dans une sorte de lumière qui chante la vie. Cela se sent, cela se voit est l’ami de tant d’années qui signent cette introduction à l’exposition des œuvres récentes de Jo Rome se réjouit que le bonheur rejoigne le talent.

Jacques Parisse,
mai 1996

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